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L’homéopathie est basée sur l’application thérapeutique de la loi de similitude “similia similibus curentur”.
Samuel Hahnemann eut deux étapes dans sa recherche concernant l’application de cette loi, la première s’appuyant sur une similitude locale concernait le traitement homéopathique des maladies aiguës et la palliation des maladies chroniques, et la seconde basée sur une similitude globale concernait le traitement des maladies chroniques.
Dans les débuts de sa pratique, le fondateur constatait de brillants succès pour les maladies aiguës, mais alors qu’il obtenait des améliorations dans les maladies chroniques, celles-ci n’étaient que d’une durée limitée, et il observait des rechutes souvent accompagnées de nouveaux symptômes plus graves. Profondément interrogé par cette constatation, il fit une pause stratégique de douze années dans sa carrière, et scruta en profondeur la littérature de son époque ainsi que les histoires de ses malades pour en comprendre les raisons. Nous allons décrypter son raisonnement et ainsi que les conclusions qu’il livre brillamment dans son second ouvrage majeur, “les maladies chroniques” qu’il publia pour la première édition en 1828. Cette publication allait révolutionner l’histoire de l’homéopathie. Il prédit, un an avant la parution de son livre que l’annonce de ses découvertes allait produire l’effet d’une bombe : “Il leur faudra plus de 6 mois pour se remettre de leur frayeur et de la stupéfaction liée à l’énormité de cette nouveauté, peut-être encore six mois avant qu’ils n’y croient…” [Vie et Lettres d’Hahnemann d’après Bradford, p. 182]
Un des points les plus délicats à comprendre est la différenciation que le fondateur fait dans cet ouvrage majeur entre le traitement des maladies chroniques psoriques de celui des maladies chroniques infectieuses et comment ce distinguo permet une stratégie thérapeutique permettant de prendre en charge des cas complexes notamment d’intrication entre les deux types de miasmes (psoriques et infectieuses).
Dès les débuts des “maladies chroniques” Hahnemann s’attache à préciser le sujet de son propos: les maladies chroniques non vénériennes, et par delà infectieuses au sens large. Pourquoi cette distinction, nous le comprendrons au fur et à mesure de l’analyse de cet ouvrage.
Commençons donc par le commencement.
“Un fait général fixa mon attention : j’ai vu constamment les maladies chroniques, non syphilitiques, après un traitement sévèrement homœopathique, et un succès de guérison aussi parfait qu’on pouvait le désirer, non-seulement se renouveler, mais s’accompagner, à chaque récidive, d’une forme nouvelle et de symptômes nouveaux, et ce phénomène reparaître plus ou moins promptement après chaque nouvelle guérison” (les maladies chroniques).
Et dans les “lettres et écrits”: “Pourquoi la force vitale est suffisante pour restaurer l’intégrité de l’organisme aidée par un remède homéopathique et pour la réalisation d’une guérison parfaite dans les maladies aiguës les plus virulentes, et ne l’est-elle pas de façon réelle et durable dans les maladies chroniques variées, même aidé par les remèdes homéopathiques les mieux indiqués sur les symptômes existants? qu’est ce qui empêche son action ? Pour être en mesure de répondre à cette question des plus naturelles, je fus poussé à investiguer la nature des ces maladies chroniques“.
Cette question a donc taraudée le maître pendant douze ans et dans cette recherche il différencia les maladies qu’il appela psoriques de celles qu’il appela vénériennes (à son époque syphilis et sycose) mais nous verrons qu’il s’agit en réalité des maladies infectieuses chroniques puisqu’à la fin de sa vie il avait ajouté la tuberculose comme maladie infectieuse non vénérienne.
Il convient donc de bien comprendre cette différenciation entre psore d’un côté et miasmes infectieux chroniques de l’autre.
Nous verrons que ce qu’Hahnemann appelle psore est bien loin de la gale nosologique moderne.
Ce dont allons parler s’applique donc aux maladies chroniques non infectieuses dites “psoriques”.
De ces recherches Hahnemann tire quatre conclusions.
Première conclusion: une maladie localisée n’est que la manifestation d’un déséquilibre global.
“J’en ai tiré cette première conclusion : que le médecin homœopathe , dans le traitement de ces maladies, ne peut se borner à saisir l’ensemble des formes extérieures du mal ; que ces formes qui suffisent partout ailleurs, comme le démontrent l’expérience et le succès des cures , ne composent point ici un tout parfait et indépendant , mais bien seulement une fraction du mal détachée d’un mal plus profond et fondamental, ayant une sphère d’action et de position plus étendue, dont on peut reconnaître la vérité d’existence par les symptômes nouveaux qu’on lui voit développer successivement.”(les maladies chroniques).
Une maladie chronique atteignant un organe ne doit pas être considérée comme une maladie localisée, mais comme la manifestation locale d’un déséquilibre global de l’organisme. Les différents symptômes ou maladie atteignant le même organisme et apparemment séparés, ne sont en réalités que les aspects visibles du même déséquilibre global. Nous pourrions dire que le mal profond dont parle Hahnemann est un iceberg, dont les symptômes visibles sont plusieurs pics qui apparaissent hors de l’eau comme séparés. L’ignorant croit que ces symptômes ou ces maladies sont des entités séparées et distinctes, alors qu’elles ne sont que la manifestation visible de ce déséquilibre profond et global, et voudra les traiter séparément, c’est ce que faisait Hahnemann au début de sa carrière, mais constatant l’échec de cette approche, il en conclut que le mal était plus profond.
Le mythe d’Hercule et de l’hydre de Lerne illustre parfaitement ces propos. L’Hydre de Lerne était un monstre vivant dans un marécage au corps de dragon et à neuf têtes, dont une était immortelle. Quant aux autres têtes, chaque fois que l’on coupait l’une d’entre elles il en repoussait deux. Pour le deuxième des douze Travaux, Eurysthée demanda à Héraclès (Hercule) de tuer l’Hydre. Ce n’est qu’en tranchant avec une épée la tête immortelle qu’Hercule put venir à bout du monstre, et l’enterrant toute vivante sous un lourd rocher, alors qu’elle lançait encore des sifflements terribles.
Les têtes qui se dédoublent quand on les tranche représente l’apparition de nouveaux symptômes quand on “décapite” un symptôme sans s’occuper du monstre lui-même.
Seconde conclusion:la seule façon de traiter une maladie chronique est d’appliquer une similitude globale.
Actuellement aucun homéopathe digne de ce nom n’envisagerait de traiter une maladie chronique sur la seule base des symptômes locaux de cette maladie.
Si l’on prend le cas d’un patient atteint de migraines, chercher un remède en se basant sur une similitude locale (la croix de Hering: sensation/modalités/localisation/concomitants) n’aura au mieux qu’un effet palliatif transitoire et au pire provoquera une suppression du symptôme avec déplacement (métastase homéopathique) dans le sens inverse de la loi de Hering et donc aggravation du terrain, par exemple disparition des migraines et apparition d’un asthme ou d’une dépression.
Traiter un cas chronique nécessite donc de tenir compte de l’essence de l’hydre et de toutes ses manifestations pathologiques en incluant l’aspect physique et psychique.
Dans son application de la loi de similitude Hahnemann passe ici donc d’un aspect local à un aspect global, d’une similitude de niveau 1 à une similitude de niveau 2.
Troisième conclusion: la nature du déséquilibre global est la psore.
“J’ai appelé cette maladie psore de façon à lui donner une désignation générale. Je suis persuadé qu’elle recouvre non seulement la plupart des nombreuses maladies cutanées, mais aussi presque la plupart de toutes les maladies à peu d’exceptions près, que l’on peut considérer comme les produits de la psore multiforme” (vie et lettres, Bradford). Pour Hahnemann la psore est un déséquilibre énergétique constitutionnel qui représente la prédisposition à l’ensemble des maladies chroniques non infectieuses.
Quatrième conclusion: pour traiter la psore il faut le faire avec des remèdes anti-psoriques (similitude constitutionnelle).
Si l’on comprend la psore comme un déséquilibre énergétique constitutionnel, il faut appliquer une similitude globale et constitutionnelle, c’est-à-dire que le remède doit être non seulement semblable aux symptômes du malade mais aussi à sa constitution.
C’est à ce niveau que notre recherche a permis d’apporter une aide inestimable en permettant de classifier les constitutions on a pu donc classifier les remèdes et appliquer avec une précision d’horloger la similitude constitutionnelle. Autrement dit la psore se subdivise en différentes catégories que l’on peut appeler types, et à chaque type (ou chaque constitution) correspond un certain nombre de remèdes.
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